#8 « Je le sens pas » (L'évaluation candidat)🤦♀️
Non l’épisode du jour n’est pas une pub pour Narta mais bien un conseil sur l’évaluation candidat.
Ca y est, le 15 août est passé, le premier crush de l’été est fini ou vient tout juste de commencer. Vous partez/revenez de vacances, le teint hâlé, les joues rosies par un trop plein d’UV ou de néon aseptisé, bref 2 salles 2 ambiances. 🌴
Vous sirotez au choix entre mer et belle-mère :
une margharita à Ibiza
un virgin mojito à la Baule
le dernier rapport comptable de Jean-Marc au bureau
Vous êtes bien installés ? Allez, on peut commencer !
Dans le dernier numéro, Léo nous a offert le grain velouté de sa voix. Quand je vous disais qu’il s’écoute parler… 🙃 Mais visiblement ça vous a plu, vous en avez revoulu et comme on est vraiment sympas, on s’est dit qu’on allait continuer.
Du coup, sans plus attendre, pour ceux qui voudraient écouter ma voix sans se payer ma tête, j’arrête la vidéo et passe à l’audio. Pour les autres, rendez-vous quelques lignes plus bas pour plonger dans l’évaluation des candidats.
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Temps de lecture : 8 minutes
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Au menu du jour :
On parle Gut Feeling, Darwinisme, Biais, Ornithologie, Salle de sport, Evidence Based Practive et Performance Based Interview (PBI).
En 2 mots voici le sommaire succinct et lapidaire :
1° Comment on évalue (objectivement) un candidat ?
2° Pourquoi on ne le fait (toujours) pas ?
Vous sentez tous les sous-entendus de ce numéro ? Allez, let’s go !
J’ai fait un petit micro trottoir comme Guillaume Meurice sauf que le mien est factice.
« Alors moi je recrute sur le thème astral des candidats ! Je brûle un baton d’encens et récite 3 fois le poème de la grenouille albinos un soir de pleine lune avant d’envoyer le profil à mon manager. »
Ca vous choque ? 🤯
Et pourtant c’est la même efficacité qu’un entretien non structuré !
Vous le savez, je le sais, votre voisin le sait, même le canard que j’ai mangé à midi le sait. (sorry Léo et les vegans).
Bref tout le monde sait que l’entretien structuré est scientifiquement la meilleure manière de prédire la performance future d’un candidat pour un poste.
Et pourtant…
Et pourtant, vous allez continuer vos entretiens non structurés, même après lecture / écoute de cet article. C’est comme le sport, vous savez que c’est bon pour la santé et pour votre summer body mais c’est pas pour autant que vous foulez le bitume à 8h du mat.
Pourquoi ? A cause de votre cerveau ! 🧠
Je vous explique tout et surtout comment reprendre le contrôle de vos recrutements.
1 - Comment évaluer objectivement un candidat ?
👉 On ne va pas reparler des biais cognififs. J’ai traité le sujet dans le premier numéro de cette Newsletter:
Vous savez désormais que l’activité même d’évaluation est biaisée.
👉 On ne va pas reparler de Hiring Brief, de l’audit de maturité des Hiring Managers et du WGLL. J’ai également traité le sujet dans la Newsletter N°6.
Vous savez désormais que tout ça est sine qua non d’une bonne évaluation.
Mais de quoi on va parler alors ? Minute papillon, on y arrive.
Avant la moindre évaluation candidat, on récapitule la checklist des pré-requis :
1° vous avez pris conscience de vos biais
2° vous agissez sur eux
3° vous avez rédigé un hiring brief en béton armé
4° vous avez fait un audit des Hiring Manager
5° vous avez animé un atelier WGLL
6° on fait quoi après ? Un barbeuc et le tour est joué ? Non ! On définit une scorecard et toutes les questions que l’on va poser.
a - Scorecard
b - Questions
c- et après, on sort le melon et le jambon ? Non toujours pas, on suit des règles et une méthode pour évaluer les réponses du candidat. On fait pas ça au doigt mouillé !
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a - La scorecard, c’est quoi ce truc ?
C’est souvent l’inverse de ce que votre Hiring Manager (HM) vous demande.
Le HM vous dresse souvent une liste de courses. C’est le mouton à 5 pattes, le fameux type qui a fait Polytechnique, managé 20 personnes, a eu 6 ans d’expérience en scale-up mais dans le secteur niche des aéronefs à décollage vertical et qui est évidemment à 45k.
La scorecard c’est ce que doit accomplir la personne sur le job : augmenter de 60% le traffic sur le site internet d’ici la rentrée, signer 10 clients par mois d’ici Q4 2023, faire remonter de 8 rangs le référencement de ce produit sur Google. Bref c’est ce que j’appelle le Job To Be Done.
En anglais, on parle de MUST-HAVES versus MUST-ACHIEVES. Et c’est bien plus parlant… sauf pour ceux qui ne savent toujours pas où est Brian ;-)
💡 key takeaway : remplacez la job desc par une scorecard. 💡
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b - Les questions à poser
Ah, je sens que vous étiez près à faire Ctrl + C Ctrl + V. Désolée de vous décevoir, je ne vais pas les rédiger pour vous. Faut bosser un peu hein.
1° Vous allez traduire votre scorecard (donc votre liste de must-achieves) en compétences clés
2° Vous allez définir les questions qui vont venir évaluer chaque compétence clé.
Pas besoin de vous creuser la tête, il y a plein de banques de questions disponibles en open source. Le graal : faites comme Google. Ils ont créé un outil interne qui s’appelle qDroid pour recruter efficacement. Vous cochez le job pour lequel vous faites un entretien et le niveau de seniorité demandé, automatiquement l’outil vous sort une trame de questions sur-mesure. C’est magique !
💡key takeaway : créez votre propre qDroid. 💡
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c - Les règles et la méthodo
🟣 Règle N°1 : Poser toutes les questions à tous les candidats dans le même ordre.
Spoiler : s’il y a la moindre différence dans la réponse des candidats, vous êtes sûr que c’est lié directement à la performance du candidat et pas au fait que vous vous êtes levé du mauvais pied ce matin ou que vous êtes fan de photographie comme lui !
🟣 Règle N°2 : Ecrire les réponses des candidats
Spoiler : si vous écrivez dans la partie réponse votre propre évaluation, personne ne peut vérifier derrière vous ou vous challenger sur la qualité de la réponse du candidat puisqu’elle n’est prise en note.
🟣 Règle N°3 : Etablir un référentiel de bonne réponse
Spoiler : vous n’êtes ni Monsieur Je sais tout, ni Madame Irma, vous ne pouvez pas deviner les bonnes réponses surtout lorsqu’il s’agit de postes variés et/ou techniques. Demandez aux HM qu’est-ce qu’une bonne réponse et une réponse acceptable. Avoir un référentiel vous permettra de faire un étalonnage entre les différents candidats.
🟣 La Méthodo : Be a STAR !
Pour les questions comportementales, utilisez la méthode STAR. Demandez au candidat de vous répondre avec la trame suivante : Situation + Tâches + Actions + Résultats.
💡key takeaway : respectez les règles du jeu ?! 💡
Et tout ça, ça s’appelle un entretien structuré.
Attention => l’entretien structuré n’est qu’une petite partie de l’évaluation (OBJECTIVE) du candidat. On parle de plein d’autres méthodes dans notre Bootcamp avec Léo, on en garde sous le coude au cas où vous auriez envie de nous rejoindre ;)
J’ai une question qui subsiste… Pourquoi l’entretien structuré n’est toujours pas la norme dans les process de recrutement ?
2 - Pourquoi on ne met pas en place ces techniques ?
Spoiler : notre cerveau nous biaise. Attention, il ne faut le lire vite :D
Bon, on le savait déjà avec l’histoire des biais cognitifs mais là c’est encore autre chose !
Le cerveau, ce ptit malin, nous empêche de changer nos habitudes. C’est ce qui fait que vous allez très certainement continuer à recruter comme vous le faites malgré cette newsletter et que vous n’avez toujours pas réussi à vous lever à 6h du mat’ pour aller courir #MiracleMorning.
Et là c’est le moment où je pleure car je me dis que j’aurais pu dormir au lieu d’écrire cette NL entre minuit et 2h du mat’ hier soir alors que j’étais crevée :D
C’est la même raison qui explique qu’il y a encore trop de recrutement basés sur des croyances, des présomptions et des expériences que sur des techniques qui relèvent de la science.
C’est fou, c’est illogique… et pourtant explicable !
Attention, je vois venir hein. N’allez pas utilisez votre cerveau comme excuse lundi au bureau. Je vois déjà la scène : « Tu sais Jean-Pierre, si je pratique pas l’entretien structuré c’est à cause de mon hypothalamus ».
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=> Je vous explique en 2 mots ce que fait votre cerveau.
Vous connaissez l’evidence based practice ? ****(encore un anglicisme, je sais !)
L’approche « evidence based » a été mise au goût du jour dans le corps médical il y a quelques années par le Dr. David Sackett. Le but : prendre des décisions médicales à la lumière des dernières « evidence », preuves et avancées médicales. Là vous vous dites « Merci Captain Obvious » évidemment que les dernières découvertes médicales guident le choix du corps médical à chaque coup de scalpel… enfin j’espère !
Des milliers de recherches aux USA ont découvert que seulement 15% des décisions médicales sont « evidence based ». Pour le reste de leurs décisions, les médecins se basent sur les connaissances qu’ils ont apprises à la fac, des traditions persistantes, des habitudes ancrées, des méthodes qu’ils pensent être les meilleures et les méthodes dont ils ont une parfaite maitrise. Pourquoi 85% de leurs décisions ne se basent pas sur les dernières recherches et découvertes scientifiques ? On peut se demander si c’est de la bêtise, de la flemme, de la connerie humaine… non la raison est simple. Ils donnent plus de crédit à leur propre expérience qu’aux résultats de la science. Et ça, c’est problématique ! On n’a pas envie d’être recruté par des John Locke ou des David Hume (attention blague pour littéraires ;).
Pourquoi c’est grave quand l’expérience prend le pas sur la science ?
Parce qu’on peut entendre des phrases du genre « attends ça fait 15 ans que je recrute, je sais te dire quand je vois un bon candidat » « je le sens c’est tout » « j’ai un quotient émotionnel très développé » « l’entretien structuré c’est dénué d’humain, nan je ne le ferai pas ».
Ca me fait penser à une petite anecdote crispante qui marque un tournant dans ma vie de chasseuse de tête.
Storytime
J’étais conviée comme le reste de mon équipe à un brainstorming sur l’avenir de notre cabinet de recrutement. Il y a eu une rétrospective du travail de l’agence de comm qui avait bossé sur l’identité du cabinet. Tenez vous bien, vous êtes pas prêts. A la question « quel est notre point différenciant ? » On a eu le droit à une slide qui aurait fait vriller un épileptique sur le coup. Une slide qui me réveille encore la nuit… le genre de slide qui rend fou un designer. Pas de respect de la font, ni de la colorimétrie et on parle même pas des marges. Bref, il y avait écrit ce qui nous définit c’est…. le gut feeling ! Ce mot était bien présent 43 fois dans la slide en long en large en travers histoire que le mot s’imprègne en négatif dans le fond de notre rétine à tout jamais. Je crois que j’ai vécu un moment euréka. Le moment qui dit « mais qu’est ce que je fous là ».
Je suis cartésienne et scientifique de nature alors me dire que ce qui fait mon expertise c’est le gut feeling, c’est m’insulter.
Ce qu’on peut retenir de l’evidence based practice, c’est notamment une méthodologie en 6 étapes :
Application au process de recrutement. Cette méthodologie est brillamment appliquée au recrutement dans cet article de Kevin Wheeler :
Je vous résume en quelques points.
1° Poser une question
Exemple : Est-ce que les entretiens non structurés sont des moyens efficaces d’évaluation des candidats ?
2° Récupérer de la data
Exemple : Les études montrent une très faible corrélation entre un entretien non structuré et la prédiction d’une performance future (cf méta-analyse de Schmidt et Hunter).
3° Questionner la data
Exemple : La moitié des recruteurs et hiring managers de ma société pensent que les entretiens non structurés sont bénéfiques pour le culture fit.
4° Agréger les résultats
Exemple : On a analysé nos 35 dernières recrues et il n’y a pas de corrélation entre les diplômes et la performance des candidats et encore moins entre leur performance et leurs années d’expérience. Google a fait le même constat sur des milliers de data.
5° Appliquer au processus de prise de décision
Exemple : On a fait un questionnaire à 20 de nos candidats recrutés pour avoir leur feedback sur l’efficacité, l’utilité des entretiens passés durant le process. La moitié d’entre eux disent qu’il y avait beaucoup de chit chat sur leur vie, leurs loisirs et n’avait pas pu en placer une sur leurs compétences quand d’autres ont trouvé ça intéressant mais pas efficace car chaque entretien était une redite de leur parcours.
6° Evaluer le résultat
Exemple : Conclusion, les entretiens non structurés ne sont pas prédicteurs de performance et font perdre beaucoup de temps à tout le monde sans réel ROI. Ils peuvent être intéressants pour créer un lien relationnel avec le candidat mais ça s’arrête là. Le ROI est limité par rapport à l’investissement coût et temps pour les recruteurs et HM. On recommande notamment d’adopter l’entretien structuré qui lui est bien plus prédicteur de performance.
Je vous laisse sur cette exemple de démonstration. A imprimer avec timbre pré-payé à destination de votre N+1 et des HM avec lesquels vous travaillez.
J’espère vous avoir démontré par A + B, le ROI fantastique des entretiens structurés et vous avoir aussi donné envie d’en savoir plus pour le mettre en application avec plein d’autres méthodes notamment si vous voulez nous rejoindre lors d’un de nos Bootcamps !
A bientôt les TShapers !
N’hésitez pas à nous dire si ce format mi-écrit mi-audio vous plait. On prend tous les retours, positifs et positifs :D. A très vite pour de nouveaux numéros ! #TShapedRecruiter
Newsletter réalisée avec 💙 par Elise et Léo !